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Politique européenne rom: Le sens d’une stratégie française romaphobe

Le 16 septembre, avait lieu le « 1er sommet européen sur les roms », il s’agissait d’une « prise de pouls » pour planter les premiers jalons d’une politique anti-rom. Aucun article de presse, ni aucun commentaire sur ce sommet n’en a fait état.
L’article, « Politique européenne rom : le sens d’une stratégie française romaphobe », analyse ce revirement. 

Kouchner,  1er Général de France, a présidé de juillet à décembre 2008, le Conseil des Ministres de l’Union Européenne, l’Organe Suprême, …
Pour les pays adhérents, comme pour la société civile, c’est là un  signal très clair.
Ce spécialiste du conflit ethnique, qui a abaissé l’aide humanitaire au rang de stratégie guerrière, a fait ses preuves au Rwanda comme au Kosovo et dans d’autres lieux.
Mais son expérience spécifique contre les minorités Roms, inermes, s’est faite au Kosovo…

Il a donc abordé sa présidence, en ouvrant véritablement une « Question Rom »  –  « sa priorité »  -  à la façon d’un général :
 
Dans le communiqué de presse du Conseil des ministres de l’UE, du 8 décembre, les roms figurent aux « affaires générales et extérieures ». Ils font partie de l’ordre du jour des affaires militaires, à côté d’intitulés tels que : opération militaire EU NAVFO Somalie, mesures à l’encontre du Zimbabwé, exportation de technologie et d’équipements militaires, politique maritime intégrée, lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

Par le communiqué de l’OSCE des 4-5 décembre 2008,  la France, dans son intervention de clôture du Conseil ministériel, apprécie particulièrement :
« (…) que les thèmes des Roms et Sintis et la lutte contre la traite des êtres humains, priorités de la présidence en exercice, ait pu faire l’objet de décisions de substance ».

Ces décisions étant introuvables à l’heure actuelle, on peut du moins relever d’emblée :

1) la tactique du glissement sémantique opérée en collant le mot « roms/sintis » au mot « traite des êtres humains ».
2) l’ouverture d’une « Question rom» : elle touche un tabou à mettre en symétrie à la « Question Juive »  nazie.

 

Le Fil Rouge du Général Kouchner

        Voici donc révélé en substance le fil rouge de la stratégie française, qui va alors être assenée  tout le temps et à toutes les occasions : du Conseil des Ministres à l’OSCE, et même au 1er Sommet européen sur le Roms, sous des formes légèrement différentes, mais qui contiennent toujours le même énoncé de base, consistant à conjuguer minorités Roms/Sintis et traite des êtres humains.
Cet énoncé  tient en trois prémisses racistes, données comme des évidences, et qui visent à stigmatiser tout un peuple.
Etant volontairement fausses, elles aboutissent à une conclusion fausse, instrument de légitimation de l’action « humanitaire » et de la politique du bon sentiment :


                                                                                                                                                 

- Prémisse n°1 : Nos pays démocratiques possèdent un arsenal anti-discriminations. Il n’y a donc pas lieu de prendre d’autres dispositions pour les roms. Opinion partagée par le Président de la Commission Européenne, Monsieur Barroso, au 1er Sommet européen sur les Roms.
Ceci  signifie qu’il ne faut donc plus s’inquiéter de la non transposition par les Etats de la directive 2000/43/CE !
Cette position est porteuse, en outre, d’une entrave à cette directive, notamment pour la discrimination positive.
- Prémisse n°2 : Si les roms veulent des droits, ils doivent s’acquitter de leurs devoirs. Et respecter la loi. Une telle « prémisse » est en réalité lourde de sous-entendus, qui deviennent au n° 3 :
- Prémisse n°3 : Les roms ne respectent pas la loi.
Ils participent du crime organisé : traite des êtres humains, mendicité forcée, prostitution.
Les femmes et les enfants roms en sont les premières victimes. De telles déclarations seraient à la fois évidentes et allant de soi, mais aussi basées sur  des  données « scientifiques »……                                                                                                                    D’où la - Conclusion :
Le rôle de l’Etat est de défendre les minorités roms: d’abord les femmes et les enfants. Etant les plus faibles et les premières victimes de leur propre communauté.
Pour défendre les roms contre eux-mêmes, l’état a non seulement le droit, mais même le devoir d’utiliser toutes les mesures coercitives nécessaires : interventions de police, justice, fichage…, cela va de soi, il le ferait pour ses propres enfants : C’est donc au nom de l’anti-racisme et des droits de l’homme, qu’il se doit d’intervenir.                                                                                             Ce nid de mensonges, tend à se donner une allure respectable, voire « scientifique »…Entre-temps, ces « vérités » suscitent l’émotion. Et l’émotion accompagne les actes criminels, résultat de politiques  qui se parent au passage du masque du justicier et le cas échéant  celui du secours humanitaire.

                                                                                                                            
Politique Raciale eu sein de l’UE

Aujourd’hui les représentants français diffusent donc sans honte, mieux, au nom des droits de l’homme, leur  discours romaphobe au sein même des institutions européennes, et dans les documents officiels !
Cette propagande a pour objectif de rendre le citoyen ignorant de la question et -  corollaire indispensable -, de le placer dans la position du persécuteur : confère l’expérience italienne.

 Car en effet, l’apparition de ces « prémisses », présentées comme le résultat de nouvelles données, par nature invérifiables – et qui apparaissent comme des évidences, sont relayées par une autorité institutionnelle au dessus de tout soupçon.                                                                                                                                       

Il va de soi que leur caractère judiciaire-policier leur confère une origine secrète, donc non vérifiable, mais que personne n’ose réfuter. Pourtant la production de statistiques policières dépend toujours de politiques de  cabinets. Paradoxe : étant invérifiables, elles sont irréfutables.
Même l’expert est pris au piège de cet implacable stratagème.

                                                                                                                                                 

Obscures visées

Le Crime Organisé n’est pourtant pas dans les mains des roms.

Les familles déjà fragilisées, en situation de survie et astreintes aux contrôles récurrents, ne peuvent faire émerger une organisation quelle qu’elle soit.
Par contre, en tant que personnes fragilisées, elles sont réellement exposées à la prédation des mafias.
Mais les enquêtes sur les victimes sont inexistantes, dès lors que dans les faits, la police désigne des victimes comme étant les destinataires des bénéfices du crime organisé. Objectif visé par les mafias elles-mêmes, dans leur stratégie de dissimulation…
« La corruption et le crime organisé, surtout à des niveaux élevés de l’administration…. » ont très justement été remarqué par Mr. Barroso à propos de la Bulgarie.
Malheureusement le crime organisé n’est pas l’apanage des pays de l’Est.

L’ouverture d’une « Question Tzigane »  posée en termes sécuritaires, qui plus est, par un Général, n’a rien d’innocent.
Elle revient à poser les conditions de possibilité de l’avènement d’une gouvernance européenne fondée sur l’ethnicisme, subsumée au dérèglement sociétal et à organisation de l’insécurité permanente (dérégulation de l’emploi, précarisation, cracs bancaires pas seulement en Albanie, transfuge de fonds publics, accès à l’alimentation...)
Ce qui va « nécessiter » des réponses de type « droit d’intervention humanitaire » ou/et de type militaire.
                                                                                                                                      
Kouchner qualifie lui- même son expérience au Kosovo d’équivalente à celle d’un Président de la République.
Dès lors, on peut percevoir le degré de pertinence politique à mettre en relation ethnicité et crime organisé.


Une normative comme l’épine dans le pied

A contrario, l’UE travaillait depuis plus de 20 ans à tenter de changer la situation extrême des minorités roms : par l’apport régulier et constant de rapports et d’avis qui dénoncent  leurs conditions de vie et préconisent des solutions : terrains, éducation, santé, circulation des personnes, droits civiques…, et par la mise en place d’une normative et d’une directive.
Force est de constater que ces efforts ne sont pas suivis.
Il existe même une véritable schizophrénie entre ces travaux, avis, recommandations, la directive du Conseil,  et  l’application qui en résulte, c'est-à-dire le vécu de ces minorités.

Néanmoins, il est à noter que bien que non suivis, ces travaux  restent à la fois l’instrument d’appui et de légitimation pour les défenseurs de la cause romani, comme pour les ennemis d’une dérive sécuritaire, et l’épine dans le pied des Etats contrevenants.
                                                                                                                                                      
                                                                                                                                           
 Les Etats compétents sur la politique vis-à-vis des Roms?

Et c’est surtout  l’épine de la  France, qui s’empresse de déclarer les Etats compétents sur la « question Rom » : elle fut l’une des premières à organiser le  fichage systématique des roms/sintis. Puis à mener  des actions coordonnées sur le plan européen, en marge de toute normative,  comme le fichage à grande échelle sur l’ordinateur de Schengen, basé à Lille. Et tout dernièrement, c’est encore elle qui décrète l’obligation, pour les roms primo arrivants cette fois, de s’inscrire sur des registres spécifiques.
 
Il va donc de soi,  que ce soit aussi elle qui, pour en finir avec les conceptions trop progressistes de l’U.E.,  préconise une « (…) politique volontariste de chaque Etat Membre, adaptée à sa spécificité nationale, avec une action coordonnée au plan européen » (intervention du Ministre Boutin au 1er sommet européen sur les roms, 16/09/2008).

Etant entendu que ces actions coordonnées entre Etats membres se passent toujours en marge de la normative, et échappent par cette méthode au contrôle des institutions européennes : l’exemple  en est encore tout dernièrement donné par  l’organisation de la réunion du groupe informel au niveau du Conseil des Ministres du 5 décembre 2008, sous la présidence Française.

 

La boucle bouclée

Mais de quelle politique volontariste s’agit-il ?
La réponse donnée par Monsieur Barrot, vice président de la Commission Européenne et Commissaire à la Justice et aux affaires Intérieures, fut,  lors du 1er sommet européen sur les Roms: la nécessité de ficher.
Déclarant s’opposer au fichage ethnique à l’italienne, dont il ferait une affaire personnelle, mais qu’en septembre 2008 il couvrait encore, il préconisera l’approche française : ne ficher, parmi les roms, que ceux qui contreviennent à la loi ou à l’occasion d’arrestations de police.

La boucle ainsi bouclée, il ne suffira plus aux Etats Membres contrevenants que de suivre l’exemple de la France : criminaliser pour ficher et  ficher pour criminaliser…


 Une histoire qui se répète

La France, avec la Belgique, mène une guerre occulte et sans répit aux communautés roms/sintis survivantes, et ce depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.
Cette guerre est destinée principalement à occulter l’histoire brûlante des responsabilités de ces pays dans l’anéantissement historique du peuple rom : le génocide perpétré contre lui. En accusant la victime, elle s’assure ainsi son silence.   


En continuant de le discriminer : - il s’agit de nombreux droits non respectés, comme l’affectation de terrains, restitution de dommages de guerre, restitution de nationalité…, et de le criminaliser, par des interventions de police intempestives, une propagande romaphobe, des incarcérations arbitraires, un fichage ethnique systématique, …, - ces pays s’assurent de mettre en place des obstacles majeurs de nature à barrer définitivement la route à toute démarche citoyenne à l’égard de nos minorités.


Prépondérance française

La prépondérance de la France dans les institutions européenne, l’OSCE, et aujourd’hui son retour dans l’OTAN,  lui permet d’imposer ses visées au niveau européen. Elle mène d’ailleurs une politique très active auprès des Etats Membres. La France, pèse de tout son poids sur l’Europe…


Cols Maude Aida, Bruxelles, le 30mars. 

 

 Appel du 29 mars 2009:  STOP À LA NOUVELLE POLITIQUE EUROPEENNE SUR LES ROMS
 
           Il apparaît à plusieurs signes que l’Union européenne, sous l’impulsion de la France, est occupée à la mise en œuvre d’une politique nouvelle à l’égard de ses populations Roms/Sintis.
Nouvelle en ce qu’elle rompt avec ses précédents efforts progressistes.
Rupture devancée par une stratégie politique visant les Roms et que l’on peut désormais trouver par écrit dans les nouveaux documents de l’UE, sous la présidence de la France. 
La France a trouvé appui chez ses alliés traditionnels et chez les pays adhérents où il existe de fait une « Question Tzigane » sensible.
 
             Nous connaissons tous les évènements tragiques dont les Roms/Sintis, leurs familles, leurs enfants, sont victimes en Europe. La mise en application de la Directive du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique laissait un espoir.
L’heure a sonné de cet espoir : c’est la raison de cet appel aux associations et à tout un chacun qui veut défendre les droits les plus élémentaires face à une offensive qui se déclare désormais haut et fort, car préparée de longue date au sein des forces en place et propagée sans vergogne dans les media.
L’image des Roms/Sintis en est devenue telle, que les nouvelles mesures volontaristes de leur mise à l’écart passent sans protestation citoyenne aucune.
 
Face à cette offensive, dans les  intentions et dans les  faits, toute personne, toute association, ayant à cœur les droits des Roms en Europe,  sera saisie de l’urgence de cette situation.

Maude Aïda COLS