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Articles du Bureau européen des Gens du Voyage

Communiqué de presse 29/09/2010

Au début de la guerre 40-45, ma famille, tsigane, comme d'autres Belges, a fui vers le bois de Berlaymont dans le nord de la France. Des milliers de personnes fuyaient de la Belgique, d'Allemagne aussi ou de la Hollande, vers le sud de la France. Mes parents m'ont raconté que dans cette forêt il y avait de nombreux morts, des chevaux, des vaches, des personnes, des blessés qui se mourraient. Les Allemands y bombardaient les civils. Quand les avions sont arrivés, ma famille a fui dans la cave d'une vieille maison qui était démolie. Et ils m'y ont oublié dans mon berceau. Quand ma mère s'en est aperçue, elle a voulu sortir mais mon père l'en a empêchée, elle serait morte sous les bombes. Après le bombardement, ils sont venus voir, le berceau était comme une passoire. Ils n'osaient pas s'en approcher. Et tout d'un coup, un officier belge est arrivé et leur a dit: “vous cherchez celui-ci?” et j'étais dans ses bras. Il a dit ensuite: j'ai le droit de le garder, je lui ai sauvé la vie. Mais comme j'ai des devoirs ici, je vous le rend. J'ai été sauvé par un soldat belge. Je n'ai jamais pu rencontrer cet homme par la suite.

La plupart des gens entendent parler de nous, les Tsiganes, par des échos, sans nous connaître.

A l'heure actuelle, on parle de nous de la même manière qu'à l'époque de  l'ascension au pouvoir d'Hitler.

A partir des années 30', les autorités n'ont plus voulu que les Gens du Voyage voyagent, ils voulaient les installer dans des camps pour pouvoir les contrôler. En Allemagne, une dame qui s'appelait Eva Justin et son compagnon, le Docteur Arnold Ritter, voyageaient partout en Allemagne pour recenser les Tsiganes. Ils leur proposaient l'électricité, l'eau et la scolarisation des enfants sur des terrains fixes pour que les Gens du Voyagent n'aient plus à voyager.


Plus tard, lorsque la répression des Tsiganes et des Juifs s'est intensifiée, les SS sont venus sur les terrains
désignés par les autorités locales et ont pu embarquer les Gens du Voyage dans les camions vers les camps de concentration.  Après la guerre, j'ai connu cet homme, le docteur Arnold Ritter qui habitait à Landau en Allemagne, je l'ai rencontré plusieurs fois. Dans les années 60, Madame Justin est passée devant le tribunal de Francfort, accusée d'avoir envoyé des Tsiganes dans les camps de concentration. Elle a été acquittée. Une dame tsigane, dont toute la famille a été brûlée à Auschwitz, a assisté au procès. Le verdict d'acquittement l'a mise en colère et elle a agressé Eva Justin. Elle a fait trois mois de prison.


Actuellement, quotidiennement, nous vivons des situations qui nous rappellent cette époque. Notre parole ne compte pas.

Quelques exemples? L'année dernière, nous sommes entrés dans un camping. Après une semaine, la gestionnaire s'est aperçue que nous étions des Tsiganes. Tout de suite, elle a téléphoné à la police qui nous a demandé de partir le jour-même (un dimanche, à midi).


Lorsqu'on s'arrête dans un village, on prend nos numéros de plaque. Si un vol est commis dans la région, nous sommes directement suspectés et convoqués au poste de police.

Un gendarme a dit il y a quelques années à ma tante: « Hitler, il vous a oublié? ».


Ce que je voudrais c'est que la Belgique prenne en considération les Tsiganes, qu'il y ait la possibilité d'y vivre en caravane, en toute légalité sans avoir toujours peur d'être expulsés et sans se demander chaque jour où on va pouvoir être accepté le lendemain.


Gérard Vannieuwkerke, président